27 nov. 2016

Armés de livres


Le douanier américain soupèse nos affirmations d’un air dubitatif et sentencieux. Jeudi après-midi, à la frontière de North Troy, au Vermont, un léger crachin, rien pour inspirer le tourisme. « Comme ça, vous allez passer la fin de semaine dans un B&B ? Pas d’anniversaire spécial ? Les “couleurs” sont terminées, il n’y a pas de neige. Vous allez faire quoi ? »
  
Lire. C’est la réponse la plus honnête, la moins libidineuse (encore que), la plus sensée vu la météo. Outre nos livres, qu’il observe avec plus de méfiance que pour des carabines chargées, ce fier représentant des angry white males républicains ruraux peu éduqués de plus de 45 ans, qui gagneront leurs élections dans quelques jours, semble détenir la preuve que nous sommes de futurs réfugiés illégaux venus voler des jobs : « Vous ne travaillez pas le vendredi ? Vous faites quoi dans la vie ? »
   
Un prof d’université et une journaliste pigiste qui lisent un vendredi de novembre, je vous assure que ça ne pèse pas lourd dans la balance morale du pouvoir archétypal armé jusqu’aux dents. Notre cerbère nous a à l’oeil au beurre noir, probablement un cadeau de sa femme, une angry white pussy.
  
« That’s the story, hey ? ! » ironise notre brave représentant de la loi. Et nous avons droit à un petit sermon de circonstance sur ceux qui travaillent et font rouler l’économie (vendredi compris), tandis que d’autres… lisent.

-Le Devoir